Ce qui se passe actuellement en Iran dans la population iranienne n'est absolument pas retranscrit dans notre pays
29 juin 2018
« Il y a les méchants qui sont vraiment méchants et les
méchants modérés. En France on aime bien les méchants modérés. On ne les
déteste pas. »
Yves Thréard, éditorialiste du Figaro, directeur adjoint de la rédaction du Figaro, a profité de cet événement pour évoquer l'orientation de la France vis à vis de la situation en Iran. Voici son intervention :
Le regard sur l'Iran et un pare-feu extrêmement dangereux
« Il faut savoir que quand l'accord de 2015 a été dénoncé par Donald Trump, il y a eu une réaction en France extrêmement violente, comme dans d'autres pays d'ailleurs, pour d'abord condamner le président Trump, parce que, pour la plupart des opinions, c'était Trump qui était la cible et ce n'était pas le régime des mollahs. La plupart des commentaires ont porté sur la politique de Trump, sur Trump, cette espèce de grand Satan, alors qu'il me semble et j'en suis certain même, que le danger n'est pas tellement chez Trump, mais plutôt précisément à Téhéran avec la politique qui est conduite par le régime des mollahs. La traduction et l'attitude des français vis-à-vis de cet événement qui était fort important résume un peu le regard qui a été porté sur l'Iran depuis 1979 et l'arrivée au pouvoir de Khomeiny dont je vous rappelle, les symboles ont une signification et, souvent, les symboles traduisent un climat, une atmosphère, c'est que comme vous le savez, l'ayatollah Khomeiny arrivé de France où il était réfugié dans un petit village des Yvelines à Neauphle-le-Château, à vol d'oiseau c'est à 40 ou 50 km d'ici, où le président Giscard d'Estaing et où la plupart des grands intellectuels, surtout de gauche françaises, Marguerite Duras en tête, allaient se prosterner devant l'ayatollah Khomeiny sur son tapis et lui dire combien il était beau, fort et utile à l'avenir démocratique de son pays.
Le problème est que cette attitude a fait que la révolution iranienne qui s'est poursuivie et la mise en place des gardiens de la révolution, la mise en place de ce régime et sa montée en puissance, n'ont pas été pris suffisamment au sérieux et à la mesure du danger que représentait ce régime pour l'ensemble de la planète. On ne comprenait pas très bien ici ce qui allait advenir et le regard qui a été porté était un regard qui relevait plutôt une curiosité exotique que d'un danger atomique. Le seul problème c'est que la pédagogie n'a jamais été faite, jamais beaucoup de français et beaucoup même d'intellectuels, d'experts ont forcé la voie pour relayer les discours, les propos, les écrits notamment de l'ayatollah Khomeiny qui quand vous les lisez appelaient justement à une révolution mondiale et une exportation de son modèle révolutionnaire iranien à l'ensemble du monde arabo-musulman, musulman, mais aussi à l'ensemble je dirais des pays de cette planète. Il fallait que cet impérialisme fondamentaliste s'installe partout et malheureusement ce discours-là n'a absolument pas été traduit dans les propos et même y compris dans la presse occidentale et surtout dans la presse française. Alors, un pare-feu s'est installé au bout d'un moment et ce pare-feu d'ailleurs est extrêmement dangereux , consistait à dire « oui mais eux ce sont des chiites », les iraniens c'est un clergé, c'est une religion qui est organisée et comme le terrorisme islamiste s'est assez vite fait jour sur notre planète et bien ce terrorisme venait plutôt des sunnites, et donc les méchants, ceux qu'il fallait absolument combattre pour sauver les sunnites et les chiites après tout n'étaient absolument pas je dirais susceptibles d'avoir un regard suspect vis-à-vis de nous autres.
Et on a vécu des années, des dizaines d'années avec cette dichotomie opérée,
qui est une dichotomie qui est religieusement, factuellement et historiquement
juste, les critiques qui nous ont empêché de voir la réalité et je dirais la
maline idée du régime qui sévissait à Téhéran. Pour preuve, la plupart des
révoltes, il n'y en a pas eu beaucoup, mais notamment celle quand même de 2009
qui a eu lieu à Téhéran, celle qui a été relayée ici et médiatisée de façon, on
va dire assez modeste, et ce qui se passe actuellement en Iran dans la
population iranienne n'est absolument pas retranscrit dans notre pays. Il y a
eu un mouvement de colère au bazar en début de semaine, qui a été un mouvement
assez étonnant, un mouvement qui était d'ampleur : pas eu une réaction,
pas une information dans les médias, au moins les médias français. Peut-être un
peu plus dans les médias Angelo-saxons.
Je peux vous dire que s'il y avait eu
un mouvement dans la casbah d'Alger, là on en aurait parlé. Ça veut dire quoi ?
Ça veut dire que la France et une partie de l'Europe, mais surtout la France en
raison de son passé colonial, quand elle parle du monde musulman, quand elle
parle de ce monde-là, elle a davantage elle a beaucoup plus, et c'est bien
normal, les yeux tournés vers le Maghreb, vers le Machrek éventuellement et beaucoup moins plus loin vers le monde
moyen-oriental, mais elle devrait faire attention parce que la planète est plus
grande que ça. Même si évidemment la France a encore une influence, j'espère,
et des intérêts au Liban dans un pays qui est en partie francophone.
On peut s'accommoder d'un régime répressif
Les français préfèrent être l'allié de l'Iran ou des Etats-Unis ?
Trêve de plaisanterie maintenant,
quelle doit être l'attitude du président français et quelle peut être
l'attitude des pouvoirs publics et des autorités françaises au jour
d'aujourd'hui, où cet accord est dénoncé par les américains et où on se trouve
dans une situation bien compliquée.