Désinformation comme moyen de survie : l'exemple iranien
Conclusion
JEAN-FRANÇOIS LEGARET, président de la FEMO
Le jeudi 28 mars 2024, s'est tenue à Paris une conférence à l'initiative de la Fondations d'Etudes du pour le Moyen-Orient (FEMO) sur désinformation comme moyen de survie pratiquée par le pouvoir iranien. Voici la conclusion du président de la FEMO au terme de cette conférence
Je crois que ce qu'il faut retenir d'abord, c'est que oui, nous sommes les adversaires déclarés du régime des mollahs. C'est une certitude. Il ne faut pas sous-évaluer les capacités de nos adversaires. La propagande est toujours un terrain privilégié par les dictatures et les barbaries. Jean-Pierre Brard a fait tout à l'heure un parallèle avec le Troisième Reich. Il n'y a pas de degré dans l'horreur et dans la barbarie, mais on sait très bien le rôle joué par Joseph Goebbels dans le Troisième Reich pour créer un phénomène d'intoxication collective avec succès. Il faut bien retenir cela : avec succès.
Et il y a la même volonté. Il y a eu plusieurs strates historiques dans ce bluff organisé et scientifiquement préparé. Il y a d'abord eu l'accord nucléaire, c'est vrai. Et malheureusement, un certain nombre de responsables et de chefs d'État se sont laissés abuser. Et le président Macron lui-même a tenu des propos que je qualifierais d'imprudents sur cet accord nucléaire. Je rappelle que les mollahs avaient dit eux-mêmes : cet accord, nous en avons besoin, nous le voulons, Mais quand il a été en place, nous ne l'avons pas respecté. Et nous avons menti parce que nous voulions faire pression.
Donc, quand un interlocuteur qui veut négocier un contrat avec vous, vous dit "je suis un menteur et un maître chanteur", normalement, il y a peu de raison de lui dire "écoutez, cher monsieur, dans ce cas-là, nous allons discuter honnêtement et nous allons essayer de passer un accord équilibré". Les choses ont été dites et malgré cela, la pression et la propagande ont été suffisamment fortes pour que le président Biden et d'autres responsables continuent à se laisser berner par cette volonté de resigner un accord qui avait été dénoncé par Trump, mais en sachant très bien que de toute façon, sans accord, l'Iran continuait à enrichir l'uranium et à fabriquer les armes nucléaires ou d'autres armes de cette technologie épouvantable et surtout que de toute façon, cet accord ne servirait à rien. Ça, c'est le premier bluff. Il est mondial. Tout le monde y a plus ou moins participé.
Vous avez posé une question à laquelle on n'a pas répondu. Est-ce que les responsables politiques ont menti ou est-ce qu'ils ont dit la vérité ? J'ai fait de la politique longtemps, je n'en fais plus. On ne dit pas toujours la vérité en politique. Je ne suis pas en train de dévoiler un grand secret.
Mais il y a pire que ça. C'est le fait de dire des choses en croyant dire la vérité alors qu'on a été berné. C'est pire que le mensonge. Et c'est bien ça l'objet, c'est bien ça l'objectif de la désinformation dont nous parlons aujourd'hui.
C'est-à-dire qu'il y a eu une infiltration et une désinformation jusque dans les services secrets américains, comme Ingrid l'a très bien démontré. Elle a fait une enquête. Je veux dire, il y a un dossier dans lequel il y a des faits qui sont étayés. On nous dit : Non, l'OMPI, ça n'existe plus. Il n'y a plus d'OMPI. Vous nous auriez parlé de l'OMPI il y a quelques années, oui, mais voilà. Donc, ça, c'est le deuxième élément du bluff, après l'accord nucléaire et c'est le plus important.
Le régime des mollahs est pris à la gorge. Il n'arrive pas à maîtriser l'importance de l'insurrection dans les grandes villes iraniennes. Il n'est pas capable d'assurer la subsistance, l'accès à l'eau dans certaines régions. L'économie va très mal. Ils ont totalement échoué dans l'épidémie du COVID, etc. Mais donc, ils savent que le régime est menacé. La principale menace, c'est l'OMPI. Et le bluff consiste à faire croire que l'OMPI n'existe pas. Donc, je dirais la démarche que nous a racontée tout à l'heure Ingrid Betancourt, abordé par une charmante dame. Quand j'entends cela, je me dis : J'ai entendu la même chose.
Vous êtes un certain nombre à avoir entendu exactement les mêmes éléments de langage. Dites-moi, je crois savoir que vous soutenez l'opposition iranienne. C'est très bien. Mais vous soutenez l'OMPI. Ça, c'est une très grave erreur. Il ne faut pas dire: À ce moment-là, on vous déballe tout. Nous sommes des terroristes, nous sommes une secte. On pourrait presque le prendre avec ironie. Non, nous ne sommes pas des hypocrites, la preuve, c'est ce que nous avons dit cet après-midi. Nous ne sommes pas des ennemis de Dieu, nous sommes pour une République laïque, c'est-à-dire le respect de toutes les croyances. Nous ne sommes pas des terroristes. Je n'ai jamais posé de bombe et je n'ai pas l'intention de le faire. Et nous ne sommes pas une secte. Mais c'est très important pour le régime iranien de propager ce message, en ayant infiltré des gens compétents, et de le mettre en boucle. Et le fait que nous rencontrions des interlocuteurs qui nous tiennent exactement les mêmes éléments de langage, on pourrait recroiser nos expériences et se dire que la source est la même. C'est peut être la principale faiblesse d'ailleurs dans le montage très intellectualisé de cette opération. La faiblesse, c'est qu'on peut se rendre assez vite compte que la source est exactement identique et qu'on nous repasse le même disque.
Mais en tout cas, ce qui est important, c'est que nous puissions témoigner les uns et les autres. Je l'ai dit en commençant, il y a une grande faiblesse de la presse, des médias, en règle générale. La situation réelle de l'Iran n'est présentée dans aucun journal. Vous avez cité Le Monde tout à l'heure. On pourrait citer Le Figaro, qui fait de temps en temps des papiers sur l'Iran. On nous raconte un certain nombre de choses. On a parlé, effectivement, de la révolte des femmes.
Très bien, ça a créé un éclairage qui n'est pas faux. Mais le fait que l'on puisse penser à la chute du régime des mollahs et à une alternance et au fait que l'opposition existe. Il y a, au mois de mai dernier, des membres de l'opposition qui ont réussi à infiltrer des services de médias et de correspondances et qui ont décrypté. Ils sont entrés dans des messages du ministère des Affaires étrangères iraniennes. Et parmi ces messages, on trouve des messages des services secrets officiels iraniens disant : Oui, l'OMPI est équipée des moyens qui lui permettent de décrypter et d'entrer dans nos informations. Donc, ils sont parfaitement conscients de tout cela.
C'est pourquoi l'OMPI est, pour le régime des mollahs, une obsession. Une obsession 24 heures sur 24. Il faut le savoir, il faut l'assumer, il faut prendre effectivement ses responsabilités, son courage à deux mains, mais je sais que vous êtes très nombreux à le faire. Je pense qu'on a besoin de faire des débats comme ceux de cet après-midi. On a besoin de prendre date, on a besoin d'étayer et de fournir à la presse, aux parlementaires, à tous ceux qui relaient l'opinion, des éléments qui sont absolument imparables et indiscutables. Nous avons la conviction que ce bluff gigantesque existe, qu'il a un objectif : c'est que le régime des mollahs se maintienne au pouvoir le plus longtemps possible. Il finira bien par tomber. Toutes les dictatures sont mortelles, bien sûr, mais il faudrait que ça intervienne le plus tôt possible.
Nous faisons tous le même vœu au moment de Norouz. Mais le plus important, c'est de dire que le premier devoir des organes de presse, le premier devoir des responsables publics, c'est de faire état de la réalité. Or, aujourd'hui, nous sommes dans un black-out, c'est-à-dire une zone entière du théâtre des opérations sur le plan international est complètement cachée et sur lequel on ne peut pas accéder aux informations.
Si la Femo peut
jouer son rôle premier d'être un fer de lance qui permet de donner un coup d'éclairage
et de le faire savoir sur la réalité, nous avancerons vers la vérité et je
l'espère, vers la victoire. Merci.