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Droits de l’homme en Iran : deux ans aprè « Femme, vie, liberté »

Conférence à Science Po

Le 13 novembre 2024, une conférence exceptionnelle s'est tenue à Sciences Po Paris, sur le thème des droits humains, deux ans après le soulèvement qui a suivi la mort de la jeune Jina Mahsa Amini en Iran. Cette réunion a été organisé par plusieurs association d'étudiants à Sciences Po : Association Sciences Po Monde arabe, Antenne jeune Sciences Po – Amnesty International, Asia Society. Les intervenants d'Amnesty International, le CSDHI (Comité de Soutien aux Droits de l'Homme en Iran) et la FEMO étaient invités à exposer la situation.

Durant près de deux heures, Jean François Legaret (Président de FEMO), Sara Nouri (avocate et analyste à la FEMO), Fabrice Magnan de Bornier (référent IRAN pour Amnesty International) et Azadeh Alami (CSDHI), ontattiré l'attention d'un public étudiants, très captivé et passioné. Le débat qui a suivi les exposés des orateurs et oratrices, se portait sur les mécanismes de réagir aux violations des droits de l'homme en Iran, les défis auxquels font face les militants des droits humains, ainsi que les enjeux futurs dans la société iranienne.

Jean François Legaret


Jean François Legaret a livré une analyse approfondie de la situation en Iran, mettant en lumière les pratiques répressives du régime iranien.

La répression des prisonniers politiques
Le président de la FEMO a expliqué qu'en Iran, chaque mardi, des prisonniers politiques dans 24 prisons mènent une grève de la faim, atteignant leur 41e semaine consécutive. Il a dénoncé les condamnations à mort récentes, notamment d'une jeune opposante kurde iranienne Varicha Moradi, de celles de trois militants de l'OMPI en septembre et de six autres militants de ce mouvement récemment, pour leur rôle dans les soulèvements.

Un régime en état de panique
Il a affirmé que la plus grande peur du régime n'est pas les attaques extérieures, mais bien une insurrection populaire menée par les jeunes Iraniens, organisés en unités de résistance à travers le pays. Ces unités, soutenues par l'OMPI, jouent un rôle clé dans l'organisation des révoltes.

Une escalade des exécutions
Selon M. Legaret, depuis le début de l'année 2023, au moins 700 manifestants ont été tués. Il a décrit ces exécutions comme un moyen pour le régime de semer la terreur et de dissuader toute rébellion future.

Un appel à la solidarité internationale
M. Legaret a exhorté la communauté internationale à documenter et diffuser ces témoignages afin de sensibiliser le monde. Répondant à une question sur l'avenir du régime, il a répondu : « Ce régime barbare ne pourra être renversé que par le peuple iranien. Chaque voix et chaque action de solidarité comptent dans ce combat pour la liberté. »

Amnesty International

Le représentant d'Amnesty a présenté un rapport intitulé « Don't Let Them Kill Us », documentant l'usage systématique de la peine de mort en Iran. Fabrice Magnan de Bornier a mis la lumière sur les crimes commis par le régime iranien, la nécessité d'identifier les responsables présumés et, lorsque des preuves suffisantes existent, de délivrer des mandats d'arrêt internationaux. Il a mis l'accent sur l'importance de faire pression sur le régime iranien pour mettre fin aux exécutions, notamment en diffusant des informations et en documentant les violations des droits humains en Iran. Des rapports ont été publiés pour exposer les atrocités, telles que les exécutions extrajudiciaires et les violations systématiques des droits des détenus.

Il a mis l'accent sur la situation particulièrement préoccupante des exécutions en Iran, où le pays est le deuxième au monde après la Chine en termes de nombre d'exécutions, avec un taux croissant depuis l'élection de Raïsi en 2021. En 2023, le nombre d'exécutions a atteint au moins 853, dont une grande proportion concerne des infractions qui ne devraient pas entraîner la peine de mort en vertu du droit international, telles que des actes liés à la liberté d'expression ou de conviction. L'exécution de mineurs, notamment d'un garçon de 17 ans en 2023, est également soulignée comme une violation flagrante des conventions internationales.

Enfin, l'intervenant a critiqué le système judiciaire iranien, notamment les tribunaux révolutionnaires, qui manquent d'indépendance et sont contrôlés par les services de sécurité. Les accusés y sont privés de leurs droits fondamentaux, comme le droit à un procès équitable et à une défense adéquate, souvent sous la contrainte et la torture. L'absence de réformes et l'impunité pour les responsables des exécutions sont des éléments clés de l'analyse, avec un appel à intensifier les efforts internationaux pour faire face à cette crise des droits humains en Iran.

L'avocate Sara Nouri L'avocate a expliqué que nous assistons en Iran à des exécutions extrajudiciaires et illégales, à l'usage disproportionné et inutile de la force, à la privation arbitraire de liberté, à la torture et à la persécution basée sur le genre. Les femmes, les enfants et les membres des minorités ethniques et religieuses en sont les principales victimes. « Je souhaite souligner que ces actes s'inscrivent dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique contre la population civile en Iran, visant les femmes, les filles, les garçons et les hommes qui réclament liberté, égalité et responsabilité », a-t-elle affirmé.

Selon l'experte, un point particulièrement important est le travail significatif du Professeur Javaid Rehman sur le massacre des années 80. Javaid Rehman, alors Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, a largement documenté les crimes tels que les exécutions arbitraires et extrajudiciaires commis en 1988. Ces actions constituent des crimes contre l'humanité, en particulier des meurtres et exterminations.

Dans les années 1980, pendant et après la Révolution iranienne, des milliers de prisonniers politiques ont été exécutés dans des conditions inhumaines. Le travail de documentation réalisé par le Rapporteur spécial éclaire les violations des droits de l'homme en République islamique d'Iran et met un accent particulier sur la recherche de la vérité et la responsabilité pour les exécutions de dizaines de milliers de prisonniers politiques dans les années 1980 et 1990.

Azadeh Alami
Survivante de la répression, Azadeh a partagé son expérience personnelle, son emprisonnement avec sa mère alors qu'elle était un enfant, l'évasion clandestine de l'Iran après la libération miraculeuse de sa mère. Elle a dénoncé les exécutions massives et a souligné l'importance des initiatives pour sensibiliser les gouvernements européens à adopter une position plus ferme contre le régime iranien. Elle a particulièrement attiré l'attention sur le cas d'une prisonnière emblématique condamné à 17 ans de prison, actuellement en isolement, nommé Maryam Akbari Monfared.

Conclusion

Cette conférence a offert un espace essentiel pour discuter des réalités tragiques en Iran et pour renforcer la mobilisation internationale. Les étudiants présents ont exprimé leurs questions aux intervenants et leur volonté de contribuer à sensibiliser l'opinion publique.

Jean-François Legaret, en conclusion de son discours, a rappelé :

« Toutes les dictatures sont mortelles. La question est de savoir combien de temps cela prendra avant que le peuple iranien, avec l'aide de la communauté internationale, ne renverse ce régime et ne proclame la démocratie. »

L'événement a été un moment fort de réflexion, de solidarité et d'engagement pour les droits humains.