L’avancée mondiale de la diplomatie de résistance iranienne
Par Rasoul Asghari
Dans un article précédent, nous avons vu comment l'ampleur, la
continuité, la nature des revendications et la profondeur du soulèvement du
peuple iranien ont déséquilibré la diplomatie coriace de la complaisance
occidentale envers la « République islamique » d'Iran.
Lire l'article :https://www.fondationfemo.com/une-diplomatie-de-la-complaisance-coriace/
Cette doctrine a plongé les relations internationales dans une ère de confusion. Cette situation est due au fait que ladite politique a été remise en question dans sa pertinence. Mais la perspective d'un changement révolutionnaire a rendu caduque à la fois le réformisme et les alternatives artificielles. Mais l'appareil diplomatique occidental a été ramené à son équilibre traditionnel. C'est pourquoi les pays occidentaux n'ont offert aucune réelle opportunité aux manifestants iraniens. Leurs prises de positions n'ont pas dépassé les sévères condamnations verbales et des sanctions généralement dirigées contre certains responsables du régime.Même si la répression brutale des manifestations a conduit à un calme progressif dans les rues de la plupart des villes du pays, elle a également conduit le régime vers sa position la plus faible depuis quatre décennies. C'est à ce moment-là que certains pays occidentaux ont vu l'opportunité de résoudre certains de leurs problèmes avec le régime et se sont engagés sur la voie de « concessions /complicité ».
Le signe distinctif d'un tel comportement est la fabrication prolifique
d'"alternatives", le soutien à de fausses oppositions et surtout l'adhésion à
ce que le régime considère comme une ligne rouge : les pays occidentaux ont
tout simplement massivement nié ou ignoré la résistance organisée du peuple
iranien. Cette dernière est une autre expression de la diplomatie de
complaisance et constitue un obstacle au soulèvement iranien. Une politique qui
a échoué maintes fois, et cache toujours l'illusion d'une coexistence possible
avec la théocratie iranienne et encourage la répétition de l'expérience de
négociations sans fin.La deuxième partie de cet article, rédigée après quelques mois, a elle aussi
connu les aléas de l'après-crise du 7 octobre. La crise géopolitique mondiale
qui en a découlé a fait augmenter le prix (déjà très cher) de la politique
d'apaisement. Nous avons assisté à une reformulation et une exacerbation du
rôle du régime dans la déstabilisation régionale (pas nécessairement en faveur
des intérêts du peuple iranien). Dans ce texte, nous discuterons des
réalisations plus stables du soulèvement récent du peuple iranien. Elles sont
principalement dues aux effets directs du changement des préjugés et du
rapprochement de l'opinion publique mondiale aux revendications des luttes du
peuple iraniens. Et dans un deuxième temps, c'est le résultat de l'avancée de
la diplomatie de résistance en impliquant des milliers de parlementaires, de
dirigeants, d'éminentes personnalités politiques, culturelles, artistiques et
scientifiques du monde entier en faveur d'un véritable changement démocratique
en Iran. Une exigence qui a fait passer le débat sur l'inscription du corps des
gardiens de la révolution islamique (CGRI) sur la liste terroriste de l'Union européenne
d'un projet controversé et tiré par les cheveux à une nécessité urgente et
réalisable.Nouvelle compréhension dans l'opinion publique
Des changements importants se sont produits dans le paysage politique et dans
la société civile occidentale, qui, combinés aux luttes du peuple iranien,
peuvent avoir de sérieuses conséquences. Tout d'abord, l'opinion publique
internationale a compris la profondeur et le sérieux du désir du peuple iranien
de se débarrasser du système du Velayat al-Faqih (suprématie d'un guide suprême
religieux) et d'établir une république démocratique. Elle a été impressionnée
par le courage et l'héroïsme des Iraniennes et des Iraniens. La poursuite du
récent soulèvement (précédé par le soulèvement sanglant de 2017 avec 1 500 manifestants
tués en trois jours et celui de 2019 qui avait duré deux semaines) a montré que
le peuple iranien est prêt à payer le prix de la liberté. La participation sans
précédent des classes
et couches sociales déshérités ainsi que la couverture géographique et l'ampleur du
soulèvement, qui s'est propagé à travers tout le pays, ont une fois de plus
discrédité le mythe de l'existence d'une base sociale du régime dans les zones
urbaines ou rurales pauvres.
« En brisant le stéréotype traditionnel de la « femme soumise du Moyen-Orient », on a vu apparaître le génie de la « femme révolutionnaire iranienne » sur le lit de plus de quatre décennies de résistance »
La présence massive des femmes en première ligne de ces manifestations contre
le régime est un point très important. Ces dernières ont payé un prix bien plus
élevé que leurs camarades masculins. En effet, en vertu du caractère misogyne
du régime des mollahs, une fois arrêtées, elles étaient exposées à de multiples
tortures et parfois à des viols. Cette réalité a discrédité les justifications
du multiculturalisme et de l'existence de différences culturelles, utilisées
par une partie du corps politique des pays occidentaux pour justifier la double
oppression des femmes iraniennes. C'est ici que la représentation du peuple
iranien, et en particulier des femmes iraniennes, dans l'opinion publique et
les médias occidentaux a radicalement changé et a suscité une attention et un
intérêt sans précédent à leur égard.En brisant le stéréotype traditionnel de la « femme soumise du Moyen-Orient »,
on a vu apparaître le génie de la « femme révolutionnaire iranienne » sur le
lit de plus de quatre décennies de résistance. Pour cela, les méthodes
d'information modernes ont eu un effet indéniable. Face à la concurrence des
grands médias, les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram, Twitter, YouTube,
Telegram, WhatsApp et les autres, ont permis l'envoi massif d'images et de
vidéos malgré la censure et la lenteur du réseau Internet en Iran. Les réseaux
sociaux ont fait émergé les figures de journaliste citoyen et de journaliste
activiste. Tout ceci a contribué à façonner une nouvelle sphère publique.L'ampleur du changement dans l'opinion publique et dans les organisations
influentes de la société civile occidentale était si forte que plus personne ne
pouvait plus vendre à l'opinion publique les vieilles rengaines du passé. C'est
pourquoi, peut-être dans ce domaine, on peut, à juste titre, parler d'un
changement de paradigme.
Avancement de l'alternative démocratique
La deuxième étape, organiquement liée à ce changement de l'opinion publique
mondiale envers le régime, est l'avancée de la diplomatie du mouvement de
résistance qui s'oppose depuis quatre décennies à cette dictature religieuse et
qui a fait preuve d'un étrange entêtement. Petit à petit, à mesure que les
manifestations en Iran passent de spontanées à organisées, cette diplomatie
remporte des succès significatifs à l'étranger, au sein des parlements
européens et américains. L'objectif principal de cette diplomatie est de
désactiver les leviers de pression internationale des mollahs sur les pays
occidentaux et vise à obtenir le soutien de la légitimité de la lutte du peuple
iranien et à reconnaître sa résistance légitime.
« Il existe actuellement un conflit systémique évident entre les politiques exécutives des pays occidentaux et les pouvoirs législatifs à l'égard du régime iranien »
Les résultats des expériences passées montrent que dans les pays démocratiques, lorsqu'il s'agit de l'opinion publique et de la représentation directe du peuple, on peut s'attendre à une coopération avec l'opposition. Un exemple de cette coopération en 2023 a été la condamnation sans précédent du régime par la majorité parlementaire de plus de 30 pays européens qui ont clairement soutenu le plan en 10 points de la coalition du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) pour une république démocratique et laïque fondée sur la séparation de la religion et de l'État. Ces parlementaires ont à l'unisson exigé que le CGRI soit inclus dans la liste des organisations terroristes et que les dirigeants du régime soient tenus pour responsables. Le nouveau cycle de soutien en cours comprend également la reconnaissance du droit du peuple iranien et des unités de résistance à lutter contre le CGRI.
Les représentants de 4000 parlementaires du monde entiers se sont succédés en début juillet à Paris pour présenter le soutien des majorités de leurs représentations nationales au leader de la Résistance iranienne, Maryam Radjavi. Les figures des membres du Congrès et du Sénat américain issus des démocrates et des républicains, manifestaient un consensus étonnant de toutes les tendances politiques aux Etats Unis comme celles de l'Europe.
Voir le lien https://fr.ncr-iran.org/publications/rapports-speciaux/sommet-mondial-iran-libre-2024/
Le changement de parti pris des parlementaires est important car il peut
conduire à des changements appropriés dans la politique étrangère des
gouvernements en Occident. Il existe actuellement un conflit systémique évident
entre les politiques exécutives des pays occidentaux et les pouvoirs législatifs
(qui représentent l'opinion publique des citoyens) à l'égard du régime iranien.
Il semble que maintenir cet dualité soit compliqué et qu'à long terme, l'un doit
pencher en faveur de l'autre.Perspective
En évitant de tomber dans le piège du conséquentialisme qui est un fléau
analytique pour évaluer les progrès de tout changement révolutionnaire, il
convient de souligner que la bataille actuelle est la guerre du peuple iranien
contre le régime des mollahs et celle de l'Occident contre les mollahs. Et
cette guerre, même si elle connaît des hauts et des bas, se poursuit. En fait,
ce qui va déterminer l'équation de la question iranienne sera la résilience du
peuple iranien face au fascisme religieux, sur le territoire iranien et certainement
pas les faveurs de telle ou telle puissance occidentale. Mais en même temps,
nous ne devons pas oublier que les troubles géopolitiques et les considérations
politiques et commerciales de l'Occident ont porté des coups irréparables et
indéniables aux luttes du peuple iranien, depuis plus de 45 ans que la
République islamique existe.
Avec ces présupposés, les deux changements importants évoqués plus haut peuvent
être considérés comme des capitaux qui s'ajoutent aux autres atouts du peuple
iranien à savoir sa détermination et son désir de liberté. Sans aucun doute,
lors de la prochaine vague inévitable de soulèvement, cela les aidera à
repartir non pas de zéro mais avec l'expérience acquise d'un point de départ
plus avancé. Et cela rendra la tâche plus difficile au fascisme religieux et à
ses partenaires étrangers.
*Rasoul Asghari analyste à la FEMO, est journaliste iranien en exil, spécialiste de l'économie politique.