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UNE GUERRE INFORMATIONNELLE INTENSE

PHILIPPE GOUJON Maire de Paris 15e et ancien parlementaire 

Le jeudi 28 mars 2024, s'est tenue à Paris une conférence à l'initiative de la Fondations d'Etudes du pour le Moyen-Orient (FEMO) sur désinformation comme moyen de survie pratiquée par le pouvoir iranien. L'intervention qui suit a été faite lors de cette conférence.

C'est avec joie que je vous accueille dans cette mairie du 15ème pour cette réunion très importante. Et sachez que vous y êtes bien sûr les bienvenus. Je voudrais remercier Jean-François [Legaret] pour avoir pris l'initiative de cette réunion et pour sa présidence de la Fondation d'études pour le Moyen-Orient, qui fait intervenir nombre d'experts sur l'actualité du Moyen-Orient qui est ô combien complexe.

Je voudrais aussi vous saluer vous tous et toutes, mais aussi quelques personnalités présentes à la tribune, à commencer par Ingrid Betancourt, une femme qui s'est jointe à votre cause et qui a souffert elle-même de l'arbitraire. D'ailleurs, j'ai donné dans son comité de soutien un appel à sa libération, comme beaucoup d'autres heureusement dans notre pays. Saluer aussi Sara qui est également la cheville ouvrière de cette manifestation. Et puis mon ex-collègue qui a fait résonner les murs de l'hémicycle du Palais Bourbon et qui va le faire encore aujourd'hui, j'imagine, ici dans cette mairie.

Ce n'est peut-être pas un hasard d'ailleurs, même si c'est plutôt l'amitié qui a conduit Jean-François à me proposer que cette réunion se tienne dans ces murs, mais vous savez que nombreuse est la communauté iranienne dans cet arrondissement. Communauté iranienne qui a fui la révolution islamique et s'est installée principalement dans les tours du front de Seine. On ne présente plus la rue des Entrepreneurs et ses nombreux restaurants iraniens, très bon d'ailleurs que je fréquente assez régulièrement. Je vois qu'on opine du chef dans la salle. Vous connaissez les bonnes adresses. En tout cas, c'est la grandeur de la France d'avoir accueilli ces ressortissants iraniens. Comme d'ailleurs, et je lisais ça dans Le Monde encore récemment, la championne d'échecs Mitra Hejazipour, qui, lors du championnat du monde de blitz à Moscou, décide de ne pas porter le voile et a été exclue de l'équipe nationale, avant de trouver refuge dans notre pays, pour lequel elle joue désormais. C'est un parcours que je pourrais qualifier d'inspirant.

L'Iran souffre depuis maintenant 45 ans d'un régime des mollahs qui apparaît, selon tes propres mots, cher Jean-François un vestige du Moyen Âge confronté au XXIe siècle. C'est une bonne description, je crois, de ce qui se passe là-bas pour l'opposition à ce régime fondé par l'ayatollah Khomeiny, je cite, "le voleur de la révolution du peuple comme le surnomme ses opposants", opposition qui subit évidemment au jour le jour torture, oppression, prison, exécution.

Cette réalité est tout à fait insupportable. Rappelons que les victimes des mollahs sont avant tout les minorités et les femmes. Qui n'a pas vibré devant le courage de celles qui, à la suite du meurtre de Jina Mahsa Amini, le 22 septembre 2022, par une anachronique police des moeurs, brûlaient leur voile, dansaient et bravaient le régime des mollahs, au cri de Femme, vie, liberté ? J'ai affiché d'ailleurs la photo de cette martyre de la liberté en mairie, suite à cet assassinat abjecte en soutien à la mobilisation internationale. Nous savons la violence, et vous, les premiers ici de la réponse du régime face à la résistance. 834 exécutions ordonnées l'an passé. Rappelons d'ailleurs, comme l'a souligné Amnesty International dans un rapport du 6 décembre, que les gardiens de la révolution ont réprimé le voeu de liberté de toutes ces femmes par le viol. Dans la droite ligne de l'ayatollah Khomeiny, il avait dès l'été 80 émis une fatwa stipulant qu'il fallait, je le cite, violer les vierges avant de les fusiller pour leur barrer le chemin du paradis.

On peut regretter d'ailleurs que l'opinion publique mondiale se soit si peu, même si elle l'est quand même, mobilisée pour une cause pourtant parfaitement conforme à nos valeurs et qui vise à la protection des droits humains, évidemment les plus fondamentaux, les plus essentiels. Aussi, votre réunion est en complète concordance avec notre volonté municipale de mettre en lumière les opprimés d'Iran. J'ai accueilli d'ailleurs la semaine passée, ici même, les Kurdes d'Irak, pour la célébration de Norouz. Enfin, les Kurdes d'Iran sont force d'opposition majeure qui, hélas, paie aussi le prix du sang pour leur résistance. Je recevais également récemment Somayeh, actrice iranienne réfugiée en France, après avoir été torturée, et elle m'a montré les marques de ses tortures sur son corps, torturée par la police des mœurs, notamment en raison du contenu de sa page Instagram, et pour avoir évidemment agité son voile devant les écrans. Son récit ne peut que nous toucher, tant il illustre l'injustice, l'obscurantisme et l'horreur de ce régime qu'il nous faut combattre.

Notre réaction est d'autant plus nécessaire que le régime des mollahs nous livre une guerre informationnelle intense. C'est, je crois, le thème de votre colloque d'aujourd'hui. À l'instar d'autres États d'ailleurs, pas les seuls, on pourrait citer la Chine, la Russie et tant d'autres. Ils ne se limitent plus à contrôler l'information dans le ressort de leurs frontières, puisque le département cyber, par exemple, du corps des gardiens de la révolution islamique espionne, pirate et diffuse tant de fausses informations en Occident, comme on peut le voir actuellement, par exemple, sur le conflit concernant Israël. C'est une véritable problématique géopolitique majeure dont nous devons nous saisir, tant cela représente pour nos démocraties une vraie menace.

Je ne peux que saluer, en tout cas, le travail conduit par la Fondation d'études pour le Moyen-Orient, admirablement présidée par son président, Jean-François Legaret, qui contribue à expliquer un Moyen-Orient plus complexe que jamais.

Merci. Excellente réunion et bravo à toutes et tous pour votre action.